Trois géographes ont conçu CartNat : une cartographie numérique des zones les plus épargnées par les activités humaines en France. Véritable outil d’aide à la décision pour les collectifs territoriaux, il peut également être utilisé par les scientifiques dans le secteur de la biodiversité ou tout autre curieux ou curieuse qui souhaite en apprendre plus sur la « naturalité » de son territoire.
Alors qu’une équipe de chercheurs a récemment publié une cartographie des zones propices au réensauvagement en Europe, un trio de géographes avait déjà réalisé en fin d’année 2021 une cartographie des espaces naturels sur l’Hexagone. Nommée CartNat, elle s’inscrit dans la lignée de la Stratégie Nationale pour les Aires Protégées 2020-2030, menée par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et a été financée par le Comité français de l’UICN, le WWF et WildEurope Initiative. L’objectif du projet était de pouvoir identifier avec précision les zones de naturalité potentielle, c’est à dire le moins impactées par les activités humaines et qui présentent des caractéristiques et fonctionnalités naturelles. L’outil peut in fine être utilisé comme appui à la décision lors de diagnostics territoriaux à l’échelle locale ou régionale, voire même nationale ou pour des considérations académiques ou pour la recherche en biodiversité.
3 critères de définition de la naturalité
Pour qualifier et quantifier la « naturalité » sur le territoire français, les trois géographes des Universités de Tours, Leeds et Helsinki, se sont basés sur 3 critères discriminants (définis dans l’étude menée par Adrien Guetté en 2018). Le premier est « l’intégrité biophysique de l’occupation du sol », qui qualifie une zone en état originel (lié à la biocénose de la zone) ou artificialisé. Le second correspond à la « spontanéité des processus », qui qualifie le niveau de contrôle ou de gestion d’une zone naturelle. Enfin, le troisième est la « continuité spatiotemporelle », qui permet de quantifier dans le temps et dans l’espace les deux précédents critères. Il contribue ainsi à différencier, pour les mêmes résultats, les petites zones des plus grandes et les espaces épargnés plus longuement des autres. On parle ainsi d’espaces fragmentés ou continus. L’ensemble de ces critères correspondent à des couches numériques qui ont été compilées pour former la carte.


Sur la cartographie CartNat, on observe un gradient de naturalité potentielle élevé principalement dans les zones montagneuses, dans les Alpes et dans les Pyrénées, mais également sur une bonne partie de la Corse. À contrario, un tiers de la France, des Hauts-de-France jusqu’au Pays de La Loire, possède un gradient très faible, voire minimal. Sans surprise, les grosses villes sont aussi au plus bas.

Un champ varié d’applications
Selon les concepteurs de l’outil, ce dernier a deux vocations principales :
- la conservation de l’environnement : localiser avec une extrême précision (échelle métrique) les sites à protéger ou à restaurer, identifier les connectivités envisageables entre des espaces naturels, évaluer les niveaux de protection à mettre en place.
- la planification et l’aménagement du territoire : identifier les impacts environnementaux d’un projet et d’une quelconque activité humaine, identifier les espaces de concurrences entres les usages et la naturalité.
Les géographes aimeraient transposer l’outil aux milieux marins et littoraux. Des travaux sont donc en cours depuis trois ans, en coopération avec le Conservatoire du Littoral, l’OFB, le Ministère de la Transition écologique et les fondations Anyama et Lemarchand •
Rédigé par François Terminet.
Image : Pic du midi d’Ossau dans le Parc national des Pyrénées, Source : S. Rollet & Parc national des Pyrénées