Des chercheurs néerlandais et de plusieurs pays d’Afrique ont étudié les perspectives d’autosuffisance céréalière de la région subsaharienne, alors que celle-ci attend un boom démographique dans les prochaines années. Selon eux, grâce aux avancées agricoles menées entre 2010 et 2020, les objectifs pourraient être atteints, mais non sans difficultés.
La démographie mondiale est en constante augmentation et l’Afrique pourrait être le continent qui subirait la plus forte poussée démographique d’ici la moitié du siècle. Alors que le continent souffre déjà d’un niveau de malnutrition record et d’un accès hétérogène aux ressources alimentaires, sa capacité d‘autosuffisance dans les prochaines années inquiète. En outre, l’Afrique subsaharienne en particulier, dépend encore beaucoup des importations, ce qui la rend très vulnérable aux risques géopolitiques et économiques. Pour autant, des améliorations sont observées ces dernières années alors que la population augmente déjà sensiblement. Selon une étude, publiée en juin 2025 sur la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), cette dynamique positive pourrait être poursuivie sur les années à venir et permettre à cette partie de l’Afrique d’atteindre une autosuffisance céréalière satisfaisante.
La période pré-2020 comme point de départ
Les céréales, en particulier le maïs, le mil, le riz, le sorgho et le blé, sont les aliments à la fois les plus cultivés et les plus consommés en Afrique subsaharienne. De plus, la demande devrait doubler d’ici 2050, puisqu’environ 54 % de l’augmentation de la population mondiale d’ici 2050 est attendue dans cette région. En plus d’être instables, les importations de nourriture ne sufirront donc pas pour satisfaire ces besoins exponentiels. Des investissements techniques et économiques doivent ainsi être engagés pour permettre un accès à une alimentation saine et abondante pour l’ensemble de la population attendue.
En raison des évènements mondiaux qui se sont déroulés ces dernières années, l’Afrique subsaharienne a déjà dû s’adapter et mettre en place de nouveaux mécanismes agricoles. C’est pour cette raison qu’on estime que l’autosuffisance céréalière y est passée de 84 % à 92 % entre 2010 et 2020. Trois éléments sont responsables de cette augmentation : une augmentation des rendements par hectare, une expansion des superficies des cultures et un passage du mil au maïs, jugé plus productif.
Des perspectives positives mais encore fragiles
Sur les prochaines années, l’accent devra être mis davantage sur le rendement pour atteindre la pleine autosuffisance céréalière d’ici 2050. Par ailleurs, l’expansion des terres devra être limitée, puisqu’elle affecte la biodiversité et est responsable d’émissions de gaz à effet de serre. Selon les résultats de l’étude, les perspectives sont in fine moins pessimistes que celles avancées par les études précédentes. Les objectifs pourraient ainsi être réalisés en raison de la superficie cultivable à disposition depuis 2020, de la part plus importante du maïs dans les cultures (et sensiblement du riz) et également d’une réévaluation de la croissance démographique, projetée légèrement moins forte qu’initialement.
Néanmoins, un changement radical de tendance des rendements sera nécessaire pour limiter l’expansion des cultures qui occupe encore une place trop importante dans les scénarios d’autosuffisance complète. Or étant donné que l’Afrique subsaharienne est une région ayant une fertilité des sols assez faible, « les quantités d’azote ajoutées doivent au moins tripler pour obtenir de telles améliorations de rendement [accompagnées d’autres facteurs agronomiques combinés]. », estiment les auteurs.
En outre, ils émettent des réserves, d’une part, sur les conditions environnementales nécessaires à la croissance du maïs et, d’autre part, sur l’appauvrissement du régime alimentaire qu’entrainerait une spécialisation accrue de cette espèce. Par ailleurs, ces résultats ne pourront être atteints qu’avec des investissements agronomiques, socio-économiques et politiques à la hauteur des attentes •
Rédigé par François Terminet.
Image : Le maïs est la culture céréalière la plus importante en Afrique subsaharienne. Source : © FAO/Raphy Favre
[1] L’étude a été soutenue financièrement par la Fondation Bill & Melinda Gates et la Nederlandse Organisatie voor Wetenschappelijk Onderzoek – WOTRO Science for Global Development (NWO-WOTRO)