Manchots d’Antarctique : déféquer n’aura jamais eu autant de conséquences


Un étude a montré que les excréments des manchots d’Antarctique pouvaient contribuer à la formation des nuages dans la région. En effet, ceux-ci produisent de l’ammoniac, ce qui joue un rôle dans la conception des aérosols à l’origine des nuages. Cette découverte permet d’en apprendre plus sur les processus atmosphériques sur le continent et permet par ailleurs d’identifier un allié contre le réchauffement climatique.

Le climat est un système complexe influencé par de nombreux paramètres qui interagissent entre eux : l’énergie solaire, la circulation océanique, la circulation atmosphérique et de nos jours les activités humaines, etc. Concernant les processus atmosphériques, les nuages en sont les principaux contributeurs. Cruciaux pour le climat et la santé des écosystèmes, ils participent, entres autres, à la régulation des températures ou encore au cycle de l’eau terrestre. Alors que les écosystèmes polaires, notamment en Antarctique, se dégradent rapidement à cause du réchauffement climatique, il est urgent de mieux comprendre les processus climatiques et atmosphériques dans ces régions. Une récente étude, publiée sur communications earth & environment, datant du 22 mai 2025, met en avant le rôle inattendu du manchot sur le climat régional d’Antarctique. En particulier, leurs excréments contrôleraient la formation des nuages et agiraient sur leurs propriétés.

Du phytoplancton au nuage

Suivant les régions du monde, des processus biologiques spécifiques influent sur les conditions atmosphériques. Dans les zones marines et polaires vierges, le phytoplancton marin émet de l’iode, du diméthylsulfure ou encore de l’acide sulfurique. Ces éléments contribuent à la formation de nouvelles particules (NPF). Avec le temps celles-ci vont grandir pour former des noyaux de condensation nuageuse (NCN), autour desquels vont s’agglomérer peu à peu des gouttelettes d’eau, pour finalement assembler un nuage.

Des études antérieures ont montré que l’ammoniac pouvait lui aussi jouer un rôle dans cette équation. En effet, il agirait comme une sorte de liant, contribuant à stabiliser les amas d’acide sulfurique ou de diméthylsulfure, lors de la formation des nouvelles particules. Les scientifiques en charge de l’étude se sont alors rendus ​​à la station de Marambio sur la péninsule Antarctique pour étudier plus en profondeur le lien entre ce gaz (ammoniac), les particules et les nuages.

Schéma simplifié de la formation d’un nuage en milieu polaire

Un sol fertilisé par le guano de manchot

Le guano est le terme donné aux excréments d’oiseaux marins. À certains endroits, tels que les zones de vie et de reproduction des manchots et d’autres oiseaux marins, celui s’accumule en grande quantité. Cette accumulation peut facilement couvrir une vaste partie des côtes de l’Atlantique. Or, le guano diffuse des concentrations significatives d’ammoniac. Dans ces zones à fortes concentrations de guano, véritables « points chauds », « les concentrations d’ammoniac sont similaires en ampleur à celles de parcelles agricoles », comparent les chercheurs.

Les mesures ont donc montré un haut niveau d’ammoniac provenant des colonies de manchots. Quand bien même ils finissaient par quitter leurs nids, les concentrations d’ammoniac restaient élevées dans le temps. Par ailleurs, la part d’ammoniac fournit par l’océan Austral étaient bien moins importante à celle des manchots, ce qui fait de ces derniers les principales sources d’ammoniac sur le territoire.

Enfin, les résultats de l’étude ont également permis de démontrer que l’ammoniac, provenant du guano, dans des proportions suffisantes, permettait d’initier la formation de nouvelles particules (NPF) avec l’acide sulfurique. « En fait, nous avons observé la NPF presque exclusivement lorsque les vents provenaient du secteur des colonies locales de manchots. », expliquent-ils. En outre, lorsque les agrégats étaient constitués de diméthylsulfure, en complément de l’acide sulfurique, les taux de formation de nouvelles particules pouvaient se multiplier jusqu’à 10 000 fois. Par la suite, les chercheurs ont pu observer que ces NPF ont significativement contribué à la formation des noyaux de condensation nuageuse, contenus dans le brouillard et les nuages de la région.

Les répercussions climatiques

L’ensemble de ces résultats démontre un lien fort et étroit entre les écosystèmes et les processus atmosphériques au large de la péninsule Antarctique, ce qui se répercute plus globalement sur le climat du continent. Ces conséquences ne sont en vérité pas si négatives que cela puisse paraître. En effet, les manchots pourraient jouer de manière ponctuelle le rôle de source abondante de particules, dans une région où la formation de nuages ​​peut être limitée par la disponibilité de noyaux de condensation nuageuse. Autrement, ils pourraient en augmenter leurs nombres. Cela permettrait de renforcer les propriétés radiatives des nuages et par extension d’atténuer les impacts régionaux du changement climatique •


Rédigé par François Terminet.

Image : Manchot empereur de l’Antarctique, Source : ©ISTOCK

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