Lors de la dernière déglaciation, le niveau de la mer pouvait monter jusqu’à 1 mètre par siècle


Une étude publiée dans la revue Nature en mars 2025 apporte de nouveaux éclairages sur l’élévation du niveau de la mer lors de la dernière déglaciation. En l’espace de 8000 ans, les océans auraient gagné près de 38 mètres en moyenne à l’échelle planétaire. Si le changement climatique contemporain est largement accéléré par les activités humaines, l’analyse d’épisodes passés de réchauffement permet une meilleure compréhension des mécanismes terrestres et aide à anticiper l’évolution de la fonte des glaces.

La montée du niveau des océans est une des conséquences les plus préoccupantes du réchauffement climatique. Selon les dernières prévisions du GIEC, les océans pourraient gagner plus d’1 mètre d’ici 2100 dans un monde à +5°C. Bien que sa cause soit aujourd’hui bien identifiée (fonte des glaces, dilatation de l’eau, etc.), il reste assez difficile de prévoir avec exactitude toute son ampleur. Dans ces circonstances, le passé peut parfois être d’un grand secours en fournissant des informations précieuses et des modèles cohérents dans un environnement aux conditions similaires. C’est pour cette raison qu’une équipe de chercheurs du Deltares aux Pays-Bas s’est penchée sur l’époque de la dernière déglaciation, à savoir au début de l’Holocène, il y a plus de 10 000 ans. L’étude permet de déterminer la contribution de la fonte des calottes glaciaires nord-américaine et antarctique à la montée des eaux à cette période et offre également un parallèle avec notre époque.

Le vaste plateau du Doggerland

Le début de l’Holocène marque la fin de la dernière période glaciaire, aussi appelée Würm, qui s’est étendue sur plus de cent mille ans (de -115 000 à -11 700 environ). En quelques années seulement, les températures ont brutalement augmenté, ce qui a entraîné un réchauffement climatique mondial et par conséquent une fonte progressive des glaces.

Des études avaient déjà été menées par le passé, mais il existait encore un certain nombre d’incertitudes liées à cette déglaciation et ses conséquences sur le niveau des océans ; incertitudes qui pouvaient notamment être levées grâce à des données géologiques. C’est en effet la détermination d’indicateurs du niveau de la mer [1] (les SLIPs ou sea-level index points en anglais), qui permet de délimiter la position antérieure du niveau de la mer. Pour l’Holocène, ces indicateurs étaient peu nombreux car l’échantillonnage est généralement difficile d’accès, c’est-à-dire à de grandes distances au large et souvent dans des couches géologiques profondément enfouies.   

Pour contourner ces problématiques, les scientifiques se sont tournés vers une zone bien connue et plus propice à l’échantillonnage. C’est le « Doggerland » : un vaste plateau immergé à environ 20 mètres de profondeur et localisé entre le Royaume-Uni et le Danemark au sein de la mer du Nord.

De la mer du Nord à l’échelle terrestre

Avant son immersion au début de l’Holocène, le Doggerland était constitué d’une couche de tourbes et en dessous d’un dépôt sableux. Puis, durant la montée des eaux qui a duré près de 8000 ans au total, une nouvelle couche de tourbe s’est formée. C’est précisément cette dernière qui a permis aux chercheurs d’identifier le niveau de la mer à cette époque.

51 indicateurs du niveau de la mer avaient déjà été récoltés par le passé à proximité des côtes néerlandaises et allemandes. Grâce aux nouvelles campagnes d’échantillonnage sur la couche de tourbes en mer du Nord, 88 nouveaux ont pu être récupérés. L’ensemble a été compilé pour modéliser l’élévation du niveau de l’eau en mer du Nord. Les chercheurs ont par la suite isolé l’apport lié à la fonte de la calotte glacière eurasienne à proximité, et l’ont supprimé du modèle, de manière à ne garder que ceux issus des calottes glaciaires nord-américaine et de l’Atlantique.

La zone a ainsi connu deux phases principales d’accélération de l’élévation du niveau de la mer, il y a environ 10 300 ans et l’autre il y a 8 300 ans, avec d’importants apports en eau atteignant entre 8 mm et 9 mm par an. Autrement dit, les océans pouvaient gagner chaque siècle jusqu’à 1 mètre d’eau à ces périodes.

En définitive, l’ensemble des calottes glaciaires ont contribué à une hausse moyenne de 37,7 mètres du niveau de la mer à l’échelle planétaire entre -11 000 et -3 000.

Parallèle avec le 21ème siècle ?

D’une part, cette étude donne lieu à une compréhension plus fine du déroulement de la déglaciation des principales calottes glaciaires et de l’élévation du niveau de la mer à l’Holocène.

D’autre part, bien que nos deux époques soient sensiblement différentes d’un point de vue des conditions environnementales et des températures, l’étude permet tout de même de mieux appréhender les mécanismes de réponses planétaires dans un climat en réchauffement. L’étude décrit certes des temporalités relativement longues (et tout de même brutales à certains moments) mais les dynamiques restent pour autant transposables à notre époque. « En comprenant l’inondation de ces basses terres autrefois fertiles et de ces ponts terrestres importants, due à l’élévation rapide du niveau de la mer, ces données peuvent mettre en lumière l’un des principaux moteurs de la migration humaine dans des endroits tels que le Doggerland, dans le nord-ouest de l’Europe. La gestion du changement climatique et de l’élévation rapide du niveau de la mer n’est pas propre à la société moderne. », décrivent les chercheurs par ailleurs •


[1] Ils correspondent à des extrapolations d’échantillons de couches géologiques et de fossiles, de datations carbone, etc.


Rédigé par François Terminet.

image : Glacier Aialik, dans le parc national des Fjords de Kenai, en Alaska, Crédit : NPS Photo/Jim Pfeiffenberger

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