Une équipe de chercheurs a étudié plus en profondeur l’impact de la déforestation de la forêt amazonienne sur les précipitations dans la région. L’étude indique d’une part une diminution globale des chutes de pluie. D’autre part, elle met en lumière les dynamiques complexes qui régissent les précipitations dans cet écosystème particulier.
La déforestation a des impacts multiples : aggravation du changement climatique, détérioration de la biodiversité, perturbation du cycle carbone, etc. De plus, elle influence fortement le cycle de l’eau, notamment en réduisant l’évapotranspiration. Dans les vastes zones forestières, comme dans les plus petites, cette réduction de l’évapotranspiration à des effets sur les précipitations à toutes les échelles. Une équipe de chercheurs s’est penchée sur le cas de la forêt amazonienne, afin de mieux comprendre cette corrélation sur la période de 2000 à 2020. Selon eux, les études faites jusqu’à présent étaient incomplètes car elles n’intégraient pas les variations saisonnières dues aux dynamiques locales, liées à la réduction de l’évapotranspiration, et à celles plus globales, rattachées à la circulation atmosphérique.
Bouleversement des précipitations suivant les saisons
Le climat tropical de la forêt amazonienne est marqué par deux saisons principales : la saison des pluies ou humide en décembre, janvier et février et la saison sèche en juin, juillet et août. Comme leurs noms l’indiquent, ces saisons définissent globalement le niveau de précipitation durant ces périodes. D’après les analyses faites par les chercheurs, la déforestation amazonienne a des répercussions significatives mais également différentes sur les précipitations suivant les saisons. On observe en effet une inversion des effets de précipitations entre les saisons.
Pendant la saison des pluies, les précipitations augmentent assez fortement sur les zones déboisées. Les pluies semblent par ailleurs provenir de la circulation atmosphérique à méso-échelle [1], plutôt que d’un recyclage local [2]. En outre, l’augmentation des précipitations est corrélée avec la part de perte forestière. À contrario, les zones tampons [3] connaissent une diminution considérable des précipitations. Et cette baisse devient d’autant plus importante que la taille des zones tampons augmente.
Durant la saison sèche, les précipitations diminuent grandement sur l’ensemble des zones. Ceci est majoritairement lié à l’évapotranspiration réduite à cause de la déforestation et sans prise de relais flagrante de la part des circulations atmosphériques. La déforestation est ainsi associée à une aggravation des conditions de sécheresse pendant la saison sèche.

Cartographies des précipitations en accord avec la déforestation amazonienne entre 2000 et 2020 en saison humide à gauche et en saison sèche à droite
Conséquences régionales
Les auteurs soulignent que l’augmentation des précipitations, pendant la saison des pluies, sur les zones non couvertes pourrait aggraver l’occurrence et l’intensité des inondations localement. Néanmoins, son ampleur reste plus négligeable que la sécheresse à grande échelle induite par la perte de couverture forestière. « À des échelles plus grandes, allant des régions voisines aux continents, la déforestation continue en Amazonie pourrait entraîner une baisse des précipitations totales, menaçant les espèces endémiques […] des pertes économiques substantielles dans l’agriculture […] et pourrait accroître les risques associés à la fréquence des feux de forêt , à la séquestration du carbone et à la santé humaine et animal. », détaillent-ils.
L’étude confirme, d’une part, les évaluations précédentes et permet, d’autre part, de mieux comprendre les processus hydrologiques au sein du poumon vert de la planète. « Nos résultats mettent en évidence l’équilibre complexe entre les effets locaux et les effets non locaux dans les réponses à la déforestation et aux précipitations à travers différentes saisons et échelles » résument-ils. En outre, elle montre à nouveau le besoin de protéger cet écosystème, en régulant davantage l’expansion agricole, et de réhabiliter les zones déboisées •
[1] Entre l’échelle planétaire et les petites échelles de quelques kilomètres.
[2] Processus hydrologique, par lequel une partie de l’eau évapotranspirée à partir d’une zone contribue aux précipitations sur la même zone.
[3] Les zones tampons correspondent aux zones boisées ou végétalisées qui servent de barrière écologique pour protéger l’écosystème amazonien.
Rédigé par François Terminet.
image : Paysage pluvieux de la forêt amazonienne