Les microplastiques envahissent aussi les profondeurs des océans


Une récente étude révèle que les microplastiques ne se contentent pas de flotter à la surface des océans : ils coulent en effet jusqu’au fond et leur répartition dans la colonne d’eau varie selon leur taille. Jugée comme une référence mondiale par ses auteurs, l’étude permet de poser les bases d’un suivi global urgent. Les chercheurs précisent qu’elle présente certaines limites, qui nécessiteront d’autres études dans le futur étayées par des données plus précises et nombreuses.

L’ampleur de la pollution aux microplastiques devient de plus en plus claire, alors qu’elle ne cesse de s’aggraver, puisque 9 à 14 millions de tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans l’océan. Certaines études mettent en avant l’impact de ces particules sur la santé humaine, là où d’autres illustrent leurs rôles dans l’accentuation du réchauffement climatique (cycle carbone de l’océan) et dans la détérioration des écosystèmes. Ce fléau touche la planète entière, et les océans figurent parmi les milieux les plus contaminés. Il est néanmoins difficile d’en cerner toute l’envergure tant les environnements marins sont vastes et complexes. De plus, les études se concentrent principalement sur les eaux de surface, en raison des technologies de collecte limitées. Une équipe de chercheurs multiculturelle a donc décidé d’en découdre avec le sujet afin de mieux comprendre les mécanismes de distribution des microplastiques dans toute la colonne d’eau océanique (de la surface jusqu’au fond). Leur étude a été publiée sur la revue Nature à la fin du mois d’avril 2025.

Des petits et des gros microplastiques…

Pour les chercheurs, l’objectif est simple : « comprendre la distribution et les impacts potentiels des microplastiques [sur les processus biogéochimiques, les écosystèmes marins et le cycle du carbone] dans la colonne d’eau ». Pour cela, l’équipe s’est armée d’une quantité colossale de données récoltées depuis dix ans, entre 2014 et 2024, sur plus de 1 800 stations océaniques à travers le globe.

Bien qu’il existe plusieurs typologies de tailles des plastiques, l’étude se tourne principalement sur la répartition des microplastiques. En effet, on qualifie de microplastiques, les particules mesurant entre 1 µm et 5 mm. D’autres appellations sont utilisées pour d’autres tailles (nanoplastiques, etc.). Pour autant, les chercheurs ont choisi de scinder cette classe en deux catégories, car ils ne se distribuent pas de la même façon dans la colonne d’eau. On distingue donc les petits microplastiques, de 1 µm à 100 µm, et les gros microplastiques de 100 µm à 5 000 µm.

… dans des zones côtières et hauturières

Globalement les microplastiques, toutes tailles confondues, sont présents en plus grande quantité sur les zones côtières, du fait notamment de la proximité directe des sources de plastique terrestres. On parle ici d’une valeur médiane d’environ 500 particules de microplastiques par m3 près du rivage, contre 16 par m3 au large, soit 30 fois plus [1]. Dans ces zones, l’abondance des microplastiques diminue généralement avec la profondeur de l’eau.

Dans les eaux au large, les microplastiques ont un comportement différent suivant leurs tailles. Les petits se raréfient avec la profondeur et sont réparti assez uniformément sur toute la colonne d’eau, contrairement aux gros qui se stockent principalement dans les couches stratifiées [2], restent en surface ou coulent directement au fond.

Des zones d’accumulation

L’étude a aussi permis de mettre en avant des zones avec de fortes concentrations en surface de gros microplastiques, qui s’étendent dans les profondeurs, « notamment plus de 1 100 particules par m3 à 100–270 m dans un transect Atlantique Nord-Sud, 600 particules par m3 à 2 000 m dans le gyre subtropical du Pacifique Nord, 200 particules par m3 à 2 500 m dans l’Arctique et 13 500 particules par m3 à 6 800 m dans la fosse des Mariannes. », est-il détaillé.

L’action des courants

Les courants océaniques peuvent avoir un rôle fondamental dans la répartition des microplastiques. Les observations ont montré par exemple que l’Atlantique est la plus grande source de microplastiques souterrains collectés dans les eaux d’Arctique. Par ailleurs, les gyres océaniques (vaste système de courants de surface océaniques) ont aussi un impact singulier sur la répartition de ces particules. Ici, ce sont principalement de gros microplastiques qui s’accumulent en surface et sur les 100 premiers mètres.

Les chercheurs précisent que leur méthode d’analyse, essentiellement tournée sur le comptage des particules, présente des limites et donc amènent à des incertitudes. Bien que l’étude fasse office de référence mondiale, dans le futur, d’autres études devront être menées pour explorer davantage le comportement physique des particules (vitesse de descente, forme, etc.) et tous les mécanismes qui peuvent affecter ce transport vertical. Les scientifiques appellent également à une coordination internationale plus large afin d’établir un suivi complet et à long terme •


Rédigé par François Terminet.

Image : Concept de pollution de l’eau et de gestion des déchets industriels, Source : Svetlozar Hristov, iStock

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