Le Groupe de spécialistes des girafes et des okapis de la CSE (Commission pour la sauvegarde des espèces) a récemment partagé une révision taxonomique complète du genre Giraffa. Quatre nouvelles espèces distinctes de girafes sont identifiées. Ce document est un outil essentiel pour la gestion et la conservation des populations de girafes, ainsi que pour la réévaluation de la Liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).
Si l’écrasante majorité des espèces animales possède des congénères, quelques-unes sont uniques en leur genre. C’est le cas, par exemple, du koala ou encore de l’Homme, à notre époque. Mais certaines que l’on croyait jusqu’ici singulières n’avaient pas encore livré tous leurs secrets. La girafe en est un bon exemple : longtemps considérée comme une seule espèce, elle est désormais classée en quatre espèces distinctes, chacune subdivisée en plusieurs sous-espèces. Suite à un débat ayant duré près d’une décennie, le Groupe de spécialistes des girafes et des okapis (GOSG) de la CSE, rattachée à l’UICN, a en effet tranché dans son dernier rapport taxonomique de 2025. Un groupe de travail réuni pour l’occasion avait été chargé de réévaluer les données scientifiques actuelles concernant ce mammifère endémique du continent africain.
La méthode du feu tricolore
Cette nouvelle taxonomie, contrairement à la précédente qui datait de 2016, s’appuie sur de nouvelles données scientifiques de pointe, issues d’études morphologiques, biogéographiques et génétiques. Toutes ces données fournissent des preuves pour mieux classifier les espèces par la suite. Ainsi, alors que sur le dernier référentiel, il y a un peu moins de 10 ans, il n’existait qu’une seule espèce de girafe avec neuf sous-espèces constitutives, aujourd’hui elles apparaissent au nombre de quatre. De plus, seulement sept sous-espèces figurent dans cette nouvelle taxonomie.
Pour arriver à ce résultat, les membres du groupe de travail se sont servis de la technique du « feu tricolore », qui permet de « certifier » les potentiels taxons. Avec suffisamment de preuves corrélées, une espèce obtient la couleur verte et devient ainsi une espèce à part entière. Autrement, elles sont classées en jaune, voire en rouge, ce qui ne suffit pas à les distinguer.
Quatre espèces de girafe
Les heureuses élues sont la girafe du nord (Giraffa camelopardalis), la girafe réticulée (Giraffa reticulata), la girafe Masaï (Giraffa tippelskirchi) et la girafe du sud (Giraffa giraffa). L’ensemble de ces espèces se sont distinguées entre elles, d’une part, par des divergences sur les dimensions de leur ossicone et de la longueur de leur rostre [1]. D’autre part, elles se différencient par leur génome, suite à une séparation géographique des quatre espèces il y a plusieurs centaines de milliers d’années.
Ces quatre espèces se distinguent également par leurs caractéristiques biogéographiques, à savoir des barrières géographiques, telles que les rivières, les mers, les montagnes, les déserts, ou encore des événements géologiques, y compris les changements du niveau de la mer et les éruptions volcaniques. On retrouve ainsi la girafe du nord répartie de manière sporadique entre le Soudan du Sud et le Niger. La girafe Masaï est, elle, principalement localisée en Tanzanie et au Kenya. La girafe réticulée se retrouve à cheval entre le Kenya, l’Éthiopie et la Somalie. Enfin, la girafe du sud est observée majoritairement en Afrique du sud, en Namibie, au Botswana et au Zimbabwe.
Un nouveau classement des sous-espèces
Concernant les sous-espèces, les scientifiques ont à nouveau reproduit la technique du feu tricolore. Ils ont ainsi repéré les preuves qui permettaient une distinction taxonomique au sein de chaque catégorie. Certaines sous-espèces, intégrées dans la nouvelle taxonomie, sont encore répertoriées en jaune et demanderont ainsi des investigations complémentaires pour confirmer leur statut.
La girafe du nord possède trois sous-espèces : la girafe d’Afrique de l’Ouest (G. c. peralta), la girafe du Kordofan (G. c. antiquorum) et la girafe de Nubie (G. c. camelopardalis). La girafe Masaï sensu stricto (G.t. tippelskirchi) et la girafe de Luangwa/Thornicrofti (G. t. thornicrofti) appartiennent toutes deux à l’espèce Masaï. La girafe d’Afrique du Sud (G. g. giraffa) et la girafe angolaise (G.g. angolensis) font partie de l’espèce de la girafe du sud. La girafe réticulée ne possède pas de sous-espèces.
La girafe de Nubie est aujourd’hui la sous-espèce la plus en danger, « passant d’une estimation historique de 20 577 individus en 1979/1981 à l’estimation actuelle de 650 individus, soit -97 % », détaille l’UICN. En outre, la girafe Masaï sensu stricto a aussi subi de lourdes pertes avec une diminution de près de 50% des individus, passant de 63 292 à 35 000 environ. C’est également le cas de la girafe du Kordofan, qui est passée de 3 696 individus à 2 000 individus environ (-46%). Les autres sont dans un état plus stable ou en augmentation.
Un outil précieux
Cette nouvelle taxonomie permet d’en apprendre plus sur l’un des animaux les plus emblématiques des savanes africaines. Il contribue, en outre, à montrer qu’un animal supposé bien répertorié peut révéler bien des surprises grâce à des données scientifiques solides et actualisées.
Cette nouvelle taxonomie contribuera par ailleurs « à éclairer les futures évaluations de la Liste rouge de l’UICN, à guider les politiques de conservation nationales et internationales et à soutenir l’amélioration de la gestion des populations de girafes dans toute leur aire de répartition. » précisent les auteurs du rapport •
[1] Au total, 515 crânes provenant de toute l’Afrique ont été étudiés.
Rédigé par François Terminet.
Image : Girafes dans la savane, Source : Ami Vitale / National Geographic