Victimes du réchauffement climatique et de l’acidification des océans, les récifs coralliens de l’Atlantique tropical occidental pourraient voir passer, d’ici 2040, plus de 70 % de leur population en état d’érosion, selon une récente étude. Cette dégradation rapide pourrait aggraver les effets de la montée du niveau de la mer, en particulier en augmentant le risque d’inondation des côtes.
L’élévation du niveau de la mer a de lourdes conséquences sur les milieux côtiers : inondations plus fréquentes, érosion du trait de côte, menaces sur les écosystèmes et les habitats, etc. Bien que ces phénomènes soient aujourd’hui inévitables, des parades naturelles existent pour mitiger ces risques. Les herbiers marins, les marais salants et les mangroves par exemple contribuent à cet effort en atténuant l’impact des vagues. Les récifs coraliens jouent aussi un rôle important en dissipant l’énergie des vagues en amont dans les zones récifales à faible profondeur. Leur pouvoir est cependant de plus en plus limité, notamment en raison de l’augmentation du niveau de la mer et de leur croissance limitée. Une récente étude menée par des chercheurs de l’Université d’Exeter au Royaume-Uni, publiée le 17 septembre 2025, explore davantage la relation entre l’altération de la croissance des récifs coralliens de l’Atlantique et l’élévation du niveau de la mer.
Des récifs coralliens sous tension
La préservation des coraux est un enjeu de taille pour les milieux côtiers : « À l’échelle mondiale, les fonctions de protection côtière dérivées des récifs bénéficient à environ 5,3 millions de personnes et protègent des actifs côtiers évalués à environ 109 milliards de dollars US par décennie. », indiquent les chercheurs. Pour qu’ils puissent continuer à atténuer le risque d’inondation, il est cependant nécessaire qu’ils conservent un niveau de croissance (par accrétion récifale) suffisant, qui suit de près l’élévation du niveau de la mer. On remarque en effet que « là où le potentiel maximal d’accrétion récifale est inférieur au niveau de la mer, les profondeurs d’eau augmentent, modifiant la hauteur des vagues à travers le récif et le transfert d’énergie des vagues. »
Pourtant les facteurs qui contraignent leur développement sont nombreux. « Le blanchissement des coraux causé par le stress thermique a déjà affecté la couverture et la diversité coralliennes dans de nombreux endroits, souvent exacerbé par des épidémies, une surexploitation des ressources et une mauvaise qualité de l’eau », précise l’étude. De plus, l’acidification constante des océans et le changement climatique réduisent progressivement le potentiel de calcification des coraux, à savoir leur moteur de croissance. C’est une course de fond pour ces invertébrés marins puisqu’ils doivent produire plus de matière (squelette en carbonate de calcium) que ce qu’ils perdent à cause des processus d’érosion.
Une dégradation inquiétante avant la moitié du siècle
Les scientifiques ont d’abord quantifié le niveau de croissance des coraux sur plus de 400 sites tropicaux de l’Atlantique occidental. Ces niveaux ont ensuite été corrélés avec les différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre pour cerner leurs trajectoires d’évolution jusqu’en 2100. Enfin, ce taux a été comparé aux projections locales de hausse du niveau de la mer pour déterminer les variations de l’augmentation de la profondeur de l’eau au-dessus des récifs d’ici 2100. Grâce à ces données finales, les chercheurs ont ainsi été en capacité d’identifier les zones les plus exposées aux risques de vagues côtières et d’inondation.
Alors que le niveau d’accrétion récifale est déjà en retard par rapport au niveau de la mer dans certaines zones, le constat global est sans appel. Même dans les scénarios d’émissions les plus favorables, plus de 70 % des récifs tropicaux de l’Atlantique occidental seront en état d’érosion nette d’ici 2040. Avec un réchauffement supérieur à 2 °C, cette proportion pourrait atteindre 99 % d’ici 2100.
Par conséquent, l’état futur des récifs aura des répercussions significatives sur la profondeur d’eau au-dessus des coraux. « Des augmentations de la profondeur de l’eau d’environ 0,3 à 0,5 mètre par rapport à la profondeur actuelle sont projetées dans tous les scénarios de réchauffement d’ici 2060, mais des augmentations de profondeur de 0,7 à 1,2 mètre sont prévues d’ici 2100 dans les scénarios où le réchauffement dépasse 2 °C. » précise l’étude. À noter que les risques accrus d’exposition aux vagues côtières et d’inondation apparaissent à partir de 0,5 mètre.
Selon les responsables de l’étude, la restauration des récifs, bien que devant être menée impérativement, ne permettra pas cependant d’enrayer totalement les effets de la hausse du niveau de la mer à ces endroits. Elle contribuerait néanmoins à atténuer cette hausse de 0,3 à 0,4 mètre d’ici 2100, en complément d’autres mesures pour le climat •
Rédigé par François Terminet.
Image : Photo d’un récif corallien, Source : unsplash/Francesco Ungaro