L’accès à l’eau potable est un droit humain. Pour autant, encore aujourd’hui, une part majoritaire de la population, soit 4,4 milliards d’habitants, n’a pas accès à une eau potable en toutes circonstances. C’est le constat qu’a fait une équipe de chercheurs grâce à un nouveau modèle géospatial.
Une équipe, réunissant des chercheurs suisses et américains, a publié en août 2024 sur le journal Science, une étude sur l’accès à l’eau potable pour les 135 pays les plus défavorisés, autrement appelés « pays à revenus faibles et intermédiaires » (PRFI). Plus précisément, cette étude correspond à une cartographie de l’utilisation des services d’eau potable gérés en toute sécurité (SMDWS) par la population de ces pays. Les résultats sont alarmants, au regard des méthodes d’analyses employées par les chercheurs, puisque seulement une personne sur trois aurait utilisé ses dispositifs d’accès à une eau propre. Autrement dit, 4,4 milliards d’habitants (valeur estimative) résidants dans ces pays défavorisés n’a pas accès à une eau potable. La précédente estimation, faite par l’OMS en 2020 grâce à son Programme commun de surveillance de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène (JMP), était de 2 milliards.
Un modèle géospatial plus complet
L’étude est partie selon le postulat que « les données sur les services d’eau potable gérés en toute sécurité (SMDWS) font défaut pour plus de la moitié de la population mondiale » et que les résultats fournis par le programme JMP ne sont pas satisfaisants pour garantir un accès à l’eau potable pour tous. Le nouveau modèle géospatial conçu par les chercheurs permettrait ainsi d’obtenir une vision plus juste de l’utilisation des services d’eau potable et de l’impact que l’environnement et les contaminations peuvent avoir sur l’accès à une eau propre.
Celui-ci comprend plusieurs types de données à la fois d’origines humaines et environnementales. Dans un premier temps, le modèle intègre les enquêtes liées à l’utilisation des SMDWS suivant divers critères auprès de 65 000 ménages environ, dans 27 pays, entre 2016 et 2020. Les réponses récoltées sont extrapolées à l’échelle des districts infranationaux de chaque pays. Dans un deuxième temps, celles-ci sont ensuite combinées avec un lot conséquent de données géospatiales planétaires (aridité, évapotranspiration, zones forestières, etc.). Ces données permettent de comprendre l’impact des conditions environnementales sur l’accès à une eau potable. Enfin, le modèle inclut aussi les données de caractérisation de la qualité de l’eau en lien avec la bactérie Escherichia coli issue des matières fécales. Ce modèle géospatial suit un « apprentissage » en quelques sortes et a ensuite pu être utilisé dans d’autres régions similaires du monde où il manque des données, pour confirmer son efficacité.
En définitive, grâce à leur modèle, les chercheurs ont pu déterminer que seulement « 33 % de la population totale de 135 PRFI utilisait des SMDWS en 2020. » Il est aussi précisé que les pays avec les revenus les plus élevés n’ont pas été intégrés dans le modèle, quand bien même « il soit probable que certaines populations au sein des pays à revenu élevé aient également un accès inadéquat aux SMDWS » est-il indiqué.

Répartition de l’utilisation des SMDWS avec le modèle géospatial
La pollution, principale facteur de contamination
D’après les chercheurs, la contamination fécale est la principale cause de limitation d’accès à des SMDWS pour les pays à revenus faibles et intermédiaires. Bien que sa surveillance soit aujourd’hui une des plus complexes à mettre en place, celle-ci doit davantage être engagée et améliorée car elle correspond à l’une des principales causes de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. L’étude a aussi mis en avant des cas complexes de SMDSWS qualifiés de source d’eau potable ayant tout de même subis des contaminations : « Nos résultats soulignent que l’accès à une source d’eau potable améliorée ne fournit pas toujours de l’eau potable sûre, car on estime que près de la moitié des populations des PRFI (48 %) sont exposées à une contamination fécale dans leur principale source d’eau potable. »
Enfin, les auteurs de l’étude ajoutent que les pollutions liées à des contaminants chimiques (tels que l’arsenic et le fluorure par exemple) n’ont pas été intégrées à l’étude, ce qui pourrait de nouveau faire gonfler la valeur estimative des habitants n’ayant pas accès à une eau potable •
Rédigé par François Terminet.
Image : ©Fotolia