Une récente étude de chercheurs internationaux en sciences du climat et de l’environnement a révélé une très forte hausse des concentrations en CO2 dans l’atmosphère en 2023. Selon eux, ce résultat est conjointement lié à une chute sans précédent des capacités de stockage des puits de carbone terrestres.
L’étude des 16 chercheurs a été publiée le 17 juillet 2024 puis présentée à la conférence internationale sur le cycle du carbone au Brésil le 29 juillet 2024. Elle a un statut « pre-print » et n’a donc sûrement pas encore suivi de relecture par les pairs.
Les stations d’analyses atmosphériques, dont les chercheurs extraient leurs données pour l’étude, ont enregistré, en 2023, un taux de concentration du CO2 dans l’atmosphère affichant une hausse de 86 % comparé à l’année 2022. C’est aussi le plus haut taux enregistré depuis que les mesures ont été initiées en 1958. Pour autant, les chercheurs précisent que les émissions mondiales de CO2 provenant des combustibles fossiles n’ont augmenté que de 0,6 (± 0,5) % en 2023. Selon eux, la faible capacité de captation des puits de carbone terrestres, due au contexte environnemental de l’année, est à l’origine de cette catastrophe.
Un puits de carbone naturel absorbe les particules de CO2 et les stocke durablement sur ou sous Terre. Naturellement, les puits de carbone terrestres (sol et forêt) stockent entre 15 et 20 % des émissions de CO2, tandis que les puits de carbone océaniques sont censés stocker jusqu’à 30 % des émissions ; le reste se concentre dans l’atmosphère.

Taux de croissance du CO2 atmosphérique de 1960 à 2023, issus des stations de surface de la couche limite marine (MBL, barres bleues) et de la station Mauna Loa (MLO, carrés bleu foncé).
Températures extrêmes, sécheresses et incendies
L’étude repose sur les techniques d’analyse les plus avancées dans le domaine. En effet, on peut lire sur l’étude : « Nous avons utilisé des modèles dynamiques de végétation mondiale, des émissions d’incendies de satellites, une inversion atmosphérique basée sur des mesures OCO-2 et des émulateurs de modèles biogéochimiques océaniques et basés sur des données pour établir un budget carbone accéléré en 2023. » Cela permet en outre de garantir une cohérence avec les calculs des années précédentes.
Les puits de carbone terrestres mondiaux ont vécu une chute drastique de leurs capacités de stockage en CO2 sur l’année 2023. Selon les résultats de l’étude, ils ont stockés en moyenne 1,6 (±0,76) milliard de tonnes de CO2 en 2023 (les émissions liées au changement d’affectation des terres comprises), contre près de 9 milliards de tonnes de CO2 en 2022 et en moyenne 7,5 milliards de tonnes de CO2 sur les dix dernières années.

Bilan CO2 global obtenu avec le CO2 fossile historique et le ciment
émissions et des estimations des puits terrestres et océaniques en 2023
Plusieurs facteurs sont responsables de ce déficit d’après les chercheurs. Au moment de la réception des résultats, 2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée : globalement 0,6°C au-dessus de la moyenne calculée sur la décennie précédente (entre 1991 et 2020). De plus, le globe a fait face à des températures estivales extrêmes et des sécheresses, là où les forêts ont aussi beaucoup soufferts. Il y a eu en effet des records d’incendies de la forêt boréale au Canada avec un total 184 961 km2 de superficie brûlée. Également, un faible stockage d’eau sur terre a été observé grâce aux satellites sur la majeure partie de l’hémisphère Nord, ce qui a pu provoquer un stress hydrique pour les plantes, entachant ainsi leur capacité de stockage. Enfin, l’Amazonie a connu une sécheresse extrême de juin à novembre (due en grande partie à El Niño) alors que l’Afrique tropicale est restée plus humide que la normale.
Les puits de carbone océaniques semblent quant à eux rester assez stables. Les chercheurs ont même enregistré une légère augmentation des capacités en comparaison à l’année 2022.
Ces résultats sont angoissants quand on sait que les températures sont tout aussi élevées (voire plus) en 2024. Les incendies se multiplient aussi cette année, notamment au Canada, qui subie déjà, à certains endroits, des records historiques. De surcroît, cette dynamique désastreuse pour les puits terrestres ne devrait pas s’améliorer dans les prochaines années sous l’effet du réchauffement climatique, qui accentue et multiplie les épisodes de sécheresse et les incendies, corrélé à la déforestation •
Rédigé par François Terminet.
Image : Juin 2023. La SOPFEU a dressé le bilan d’une saison «de tous les records» lors de laquelle 4,5 millions d’hectares de forêt ont brûlé, dont 1,1 million en zone habitable. Source : Genevieve Poirier SOPFEU via La Presse canadienne