En Europe, 1/3 des animaux disperseurs sont menacés


En Europe, en raison de l’urbanisation croissante et de la menace d’extinction qui pèse sur les animaux, les systèmes de dispersion des graines sont fortement perturbés. Au total, ce sont un tiers des espèces de disperseurs qui sont menacées. Cela pourrait avoir de graves répercussions sur les écosystèmes et les activités humaines.

La dispersion des graines est un élément clé pour la durabilité des écosystèmes. Pour la plupart des plantes, celle-ci se fait grâce à l’eau ou au vent par exemple, mais aussi et surtout, grâce aux animaux [1]. Son utilité est multifactorielle allant de la survie et la régulation des espèces végétales, à leurs résiliences, surtout dans le contexte de réchauffement climatique, et la possibilité de reconquête de territoires après des phénomènes perturbateurs. En Europe, les écosystèmes naturels sont fortement affectés depuis des siècles, en raison de l’urbanisation et de l’artificialisation des sols, ce qui fait du Vieux Continent, le territoire le plus fragmenté de la planète. Cette fragmentation conduit à une multiplication des incendies et accroît les risques d’extinction de nombreuses espèces animales, ce qui dégrade la santé globale des écosystèmes et notre sécurité alimentaire par extension. Une équipe de chercheurs a souhaité représenter, avec plus de précision, les interactions entre les animaux et les plantes. En effet, à travers cette étude, les chercheurs ont assemblé un réseau de dispersion des graines à l’échelle européenne. Cela permet ainsi d’alerter sur les risques qu’induirait la disparition d’animaux disperseurs, aujourd’hui menacés.

Le réseau européen de dispersion des graines

Le travail des scientifiques est colossal. Plusieurs milliers de publications, dans diverses langues, ont été épluchées pour réaliser un modèle d’interaction le plus précis et réaliste possible. Ainsi, le réseau européen de dispersion des graines comprend « 11 414 interactions entre 1 902 espèces végétales et 455 espèces dispersantes. Parmi ces dernières, on trouve 283 espèces d’oiseaux, 85 arthropodes, 69 mammifères, 11 reptiles, 4 mollusques, 2 poissons et 1 annélide » détaille l’étude. Ce réseau de dispersion s’est principalement concentré sur les espèces indigènes d’Europe.

Pour représenter l’état de santé de ces interactions, les chercheurs se sont appuyés sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Grâce à ces données, les espèces animales ont pu être réparties dans trois catégories : 33% en « Préoccupation élevée », 18% « Non évaluées » et 49% en « Préoccupation faible ». Ce sont donc un tiers des disperseurs qui sont en préoccupations élevées et pourrait conduire au déclin des populations végétales. De plus, les chercheurs précisent que « les espèces animales peuvent devenir fonctionnellement éteintes bien avant leur extinction totale ». Bien que la part d’espèces « à préoccupation faible » soit assez élevée, les chercheurs précisent que l’exhaustivité des disperseurs est cruciale. Elle permet d’une part de fournir des services complémentaires, et, d’autre part, d’engendrer une meilleure diversité génétique et phénotypique des plantes, ce qui in fine, accroît les chances d’adaptation des plantes au réchauffement climatique.

Concernant le pan végétal, les scientifiques ont fait face à des limites. En effet, 67% des espèces végétales n’ont pas encore été évaluées par l’UICN. Néanmoins, les scientifiques ont tout de même conclu que 6 % des plantes dispersées par les animaux étaient à « préoccupation élevée ». Par ailleurs, la majorité des espèces végétales indigènes d’Europe, soit 60 %, ont au moins un disperseur à « préoccupation élevée » et un tiers comptait au moins la moitié de leurs disperseurs dans cette même catégorie, ce qui pourrait les rendre vulnérables à court terme.

Pour mieux comprendre l’étendue de la problématique, les chercheurs ont qualifié et quantifié les risques pour les interactions entre les espèces. Au total, près d’un tiers des interactions sont potentiellement menacés d’extinction, c’est-à-dire que la plante et/ou l’animal sont menacés ou en déclin. Selon les chercheurs, les efforts doivent être fournis, avant tout, sur les interactions les plus préoccupantes, car elles peuvent être rapidement perturbées. Pour finir les chercheurs précisent que l’étude est soumise à quelques limites qui pourraient modifier, voire amplifier les conclusions : pourcentage des espèces non évaluées, interaction avec les plantes introduites, biais de recherche avec une importance socio-économiques [2] •


Rédigé par François Terminet.

Image : Merle avec un graine dans le bec, Source : Aquaportail

[1] On parle respectivement de facteur abiotique ou de facteur biotique.

[2] «  Ce biais se manifeste dans la forte proportion d’études axées sur des disperseurs de préoccupation faible (75 %), tandis que les disperseurs de préoccupation élevée n’étaient rapportés que dans 38 % des études, et les disperseurs non évalués dans 7 %. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut
Aller au contenu principal