Et si un méga El Niño avait conduit à la plus grosse extinction de notre planète ?


Jusqu’ici, la communauté scientifique avait conclu que la plus grande extinction du vivant de notre planète, à la fin du Permien, avait été entrainée par des éruptions volcaniques. Toutefois, des chercheurs mettent en avant l’existence de phénomènes El Niño qui auraient aussi eu une place centrale dans cette extinction.

Entre le Permien et le Trias, soit il y a environ 250 millions d’années, la Terre vivait sa troisième grande crise du vivant. C’est aussi la période d’extinction la plus dévastatrice puisqu’environ 95 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres ont disparu, en l’espace de 30 000 ans environ. Les causes profondes de cette catastrophe sont encore assez floues et régulièrement débattues par les chercheurs. Jusqu’à aujourd’hui, la piste principale envisagée lie cette extinction aux épisodes volcaniques intenses des Trapps de Sibérie, qui auraient drastiquement réchauffé la planète. Pourtant, selon une équipe de chercheurs, une inadéquation subsiste entre cette piste unique et le calendrier des pertes animales et végétales. Il existerait donc, selon eux, un autre mécanisme de destruction qui aurait agi en parallèle. L’étude a été publiée dans la revue Science.

Des épisodes volcaniques majeurs

Il y a 250 millions d’années, la configuration de la Terre était bien différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. En effet, les terres émergées (nos continents) étaient « fusionnées » en un supercontinent appelé Pangée et ce dernier était entouré d’une vaste étendue océanique appelée Panthalassa. En outre, il existait, au centre de la Pangée, une très grande mer nommée Téthys.   

Schéma illustrant l’agencement de la Terre il y a 252 millions d’années,
Source : Alex Farnsworth de l’Université de Bristol

À cette époque, la Terre vivait des épisodes volcaniques intenses, sous la forme d’éruptions pyroclastiques et de grandes coulées de laves sur une surface équivalente à celle de l’Australie. Celles-ci ont libéré de grandes quantités de gaz à effet de serre sur plusieurs milliers d’années, qui ont-elles même entraîné une forte hausse des températures sur l’ensemble du globe. Selon les chercheurs de cette étude, la simple hausse des températures n’est pas l’unique cause de l’extinction. En effet, ils mettent en avant l’existence d’un phénomène El Niño à grande échelle, corrélé à cette hausse des températures, qui auraient entrainer ainsi une crise d’origine plus généralement climatique.

Des méga El Niño

El Niño est un phénomène climatique qui se traduit par des régimes de vents et des courants d’eau anormalement chaude, de l’océan pacifique vers l’est. De nos jours, ils se produisent par intermittence tous les 2 à 7 ans et durent généralement de 9 à 18 mois. Ils produisent à la fois des sécheresses et de fortes précipitations à divers endroits du globe.  

Les chercheurs ont observé que la configuration et le fonctionnement de la Panthalassa étaient très similaires à notre Pacifique moderne. En outre, grâce au système de simulation (reproduisant le climat de l’époque) mis au point par l’équipe de chercheurs, ils ont pu déterminer « qu’à mesure que le monde se réchauffait, l’ampleur et la durée d’El Niño ont augmenté, mais cela ne s’est pas accompagné de l’établissement d’un El Niño permanent. » Selon eux, il se produisait plutôt une succession d’El Niño, qui a entrainé « un climat globalement chaud mais extraordinairement instable et variable. » In fine, la montée en température issue des épisodes volcaniques et les phénomènes El Nino, plus intenses et prolongés, ont agi de concert et ont conduit à une montée drastique des températures avec une inconstance globale des conditions climatiques. Si les conditions climatiques avaient été plus stables, la vie se serait plus aisément adaptée, précisent les chercheurs.

Animation montrant les températures moyennes mensuelles (en degrés Celsius) à la surface du globe pendant la période la plus chaude de la crise d’extinction massive à la fin du permien
Source : Alex Farnsworth de l’Université de Bristol

Extinction des espèces

Les premières espèces touchées ont d’abord été celles présentes sur la terre ferme. Les phénomènes El Niño, qui se sont étendus sur plusieurs années (aux températures les plus élevées, un El Niño pouvait durer 10 ans à cette époque), ont conduit à des sécheresses globalisées, puis à de vastes incendies sur les deux hémisphères, limitant par extension la capacité d’absorption du CO2 des végétaux. Des quantités phénoménales de forêts ont été dévastées et celles-ci ne repoussaient plus. Au final, seules quelques rares espèces capables de migrer rapidement, notamment des insectes, ont réussi à s’adapter. Des études géologiques ont permis d’arriver à ces conclusions (fossiles, carottage, datation, etc.).

Roche datant de la fin du permien montrant une surface desséchée, ce qui illustre les grandes sécheresses de l’époque, Source: Paul Wignall de l’Université de Leeds

La montée en température des eaux a dépassé le seuil de tolérance de nombreuses espèces de phytoplanctons et des zooplanctons, entrainant leur disparition. Les récifs coralliens et non coralliens, très vulnérables, ont aussi disparu. Par la suite, les vastes étendues d’eau ont subi une anoxie, participant à achever la plupart des espèces restantes. Au final, plus de 95% des espèces marines ont été anéanties suite à cette crise •


Rédigé par François Terminet.

Image : Image de volcan générée par IA, Source : Pixabay

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